Par Sylvain Fargeas, Directeur Offres & Innovation chez Groupe SII.
Face à la pénurie de développeurs sur le marché et l’évolution constante d’un métier en tension, les entreprises doivent sans cesse trouver des solutions pour appréhender les nouvelles exigences de la transformation numérique. Une situation qui pousse les entreprises à relever le défi de la compétence et les développeurs à endosser un nouveau rôle stratégique.
Une pénurie de talents
La transformation servicielle des entreprises, la digitalisation et l’automatisation des processus de l'entreprise s'accélère encore davantage depuis la crise sanitaire.
Le numérique a un impact profond et durable sur tous les secteurs d’activités : industrie, finance, santé, commerce, services publics…
Repérer les technologies émergentes, comprendre l’évolution des métiers en lien avec la transformation digitale et recruter de nouveaux talents dans le domaine sont des enjeux primordiaux.
La plupart des prévisions indiquent qu’au cours de la prochaine décennie, les compétences les plus recherchées auront trait à la technologie, à la programmation et à la maîtrise de l’informatique pour apporter les nouveaux leviers d’innovation indispensables à l’économie mondiale.
Cette pénurie risque d'augmenter puisque la courbe des besoins et celle de la formation ne se croisent pas à court terme.
Des contraintes de productivité, d’évolution des technologies et des normes
Dans ce contexte, le développeur devient le maillon central dans la prise en compte des technologies (frameworks, plateformes et services Cloud), mais aussi des normes ou bonnes pratiques sans cesse renouvelées et essentielles comme la Cyber ou le Numérique Responsable.
En devenant un maillon central de la stratégie des entreprises, le développeur doit également suivre en permanence les évolutions de son métier et s’y adapter rapidement. Un subtil équilibre qui l’oblige à faire preuve d’une grande agilité tout en continuant à délivrer des projets de plus en plus complexes et le plus rapidement possible.
La prédominance du time to market au sein de ce secteur n’est plus soutenable, tant d’un point de vue de la qualité que du coût de maintenance de ces projets à long terme.
Le risque est fort en termes d’image et de capacité à évoluer pour les entreprises qui ne pourront résoudre le problème de la compétence en qualité et en quantité.
Des alternatives de « shoring » et d’automatisation, mais à bien maîtriser
Une des tendances est d'aller chercher les compétences dans des pays qui ont investi ces compétences à un prix compétitif intéressant. Bien que ces solutions « Shore » convergent de plus en plus en coût vers les solutions locales, ces pays investissent fortement sur la formation et seront à court et moyen terme un réservoir de compétences.
Le défi à relever dans ce contexte devient organisationnel et culturel : se mettre en capacité à travailler en multi-sites, multi-pays et prendre en compte les biais cognitifs des différentes cultures.
Une autre tendance est d’investir dans des solutions de productivité. Nous sommes finalement au même moment que l'ère industrielle lors de l'automatisation des tâches manuelles dans les industries.
La difficulté repose dans la vitesse d'évolution de la demande et des technologies. Ce que nous avons vécu dans le monde de l'industrie par le passé n'est pas reproductible. Les solutions poussées jusque-là ne tenaient pas la concurrence avec un développeur (performance, maintenabilité, robustesse).
En revanche, l'arrivée progressive de l'IA commence à faire émerger des solutions qui permettent de projeter quelques trajectoires nouvelles. Copilot de GitHub, Alphacode de Google, CodeT5 de Saleforce commencent à produire des résultats qui éclairent les développeurs sur l’évolution de leur métier.
Ces outils nécessitent un entraînement pertinent l'impact environnemental lié à l'entraînement n’est pas à négliger. Le sujet de la donnée de codes et de leur sens est l'enjeu majeur à aborder. Pour l'instant, c'est le référentiel GitHub qui est utilisé, un outil qui fait polémique.
Quelles trajectoires?
À court terme, la trajectoire tend vers l’aide au développement par l’autocomplétion
À moyen terme, à l'instar du métier du test, qui connait une automatisation de son métier et une évolution sur les stratégies de test, les développeurs devront apprendre à juger de la pertinence des solutions proposées par les IA, à choisir des normes à intégrer selon le contexte de leur produit, mais aussi à prendre en compte l’enjeu de l’éco-responsabilité. On peut espérer que grâce à l’automatisation des tâches par l’IA, les développeurs auront désormais plus de temps pour se concentrer sur les aspects de conception, de créativité et de sens sur la solution à construire pour l'utilisateur.
Sélectionner des softskills, accompagner la montée en compétence mais aussi encourager les communautés
Dans un contexte aussi mouvant, il convient d’accompagner cette profession via des politiques de formations en adéquation avec les évolutions (le monde académique et les ESN ont un vrai rôle à jouer), mais aussi en redéveloppant le principe d’une communauté craftsmanship, à même d’encourager le partage de connaissances et d’expériences afin de tirer vers le haut l’ensemble du monde du développement.
Finalement, au-delà des compétences techniques, les « softskills » deviennent les critères essentiels de sélection : curiosité, capacité d’adaptation, jugement & prise de décision, communication, créativité, …
Autant de challenges passionnants à relever pour une profession en pleine mutation.